Manicharte (Charte de Zonneklopper) FR

Anne
Mars 18, 2021

Bonjour à toutes et tous

Vous trouverez ci dessous la charte de Zonneklopper telle que nous l’avons conçue ensemble ces dernières semaines.

Comme vous pourrez le lire, cette charte se donne à partager, approuver et questionner de sorte à rejoindre le collectif dans la même volonté partagée.

La charte

Écrite pour élaborer et protéger une vision commune, cette charte n’a pas pour vocation d’établir les conditions de l’aménagement d’un territoire et ses règles diplomatiques mais de déployer les axes qui supporteront nos élans et nos efforts pour créer notre lieu et l’habiter pleinement. D’autres règles s’inventeront sans doute au cours du processus tandis que certains énoncés ici seront peut-être invalidés. Vivante elle-aussi, cette charte évoluera en fonction de ce qui nous traversera et tout changement sera soumis à toutes et tous pour approbation. Aux collectifs et aux personnes désireuses elles-aussi de rejoindre l’aventure, ce texte se donne à approuver et à relancer comme un moment de réflexion et de partage.

Qui sommes-nous ?

Nous sommes danseurs, forgeronnes, musiciennes, marionnettistes, vidéastes, acrobates, bricoleuses, peintres, thérapeutes, architectes, programmatrices, ferronnières, ébénistes, agronomes, glaneurs, sculpteurs, lectrices, nomades, exilés, boxeuses, poètes, brocanteurs, chanteurs, cyclistes, bergères, loups, moutons, oiseaux migrateurs, roches, terres, plantes, rêveuses, travailleurs, en colère, enragés, engagées, fatigués, vifs et vaillantes… Nous arrivons avec nos histoires, nos pratiques, notre dehors changeant sans cesse et nos identités et celle du collectif qui nous rassemble. Nos identités sont larges, mouvantes, plurielles et ouvertes à tout ce qui les nourrit et les traverse.

A l’origine de Zonneklopper

Dans un contexte particulièrement mortifère et de plus en plus liberticide, et dans l’urgence de résister aux multiples assignations qui nous sont faites chaque jour, Zonneklopper est née du désir brûlant de nous rassembler autour d’un même projet salvateur : investir ensemble un grand complexe de bâtiments vides à Forest.

La volonté de se réapproprier nos vies, le besoin de s’organiser pour trouver des espaces où poursuivre nos recherches et nos pratiques, la joie de se rencontrer et de se retrouver autour de la possibilité concrète d’occuper ce bâtiment nous ont accompagné.e.s et durablement lié.e.s.

Tout d’abord, le lieu a été l’objet d’une lutte collective. Contre les gestionnaires professionnels de l’occupation temporaire qui capitalisent une pratique d’autogestion, et pour défendre un accès aux friches urbaines où élaborer des espaces de résistances, nous sommes parti.e.s de nos seules forces pour construire l’horizon de nos désirs et de nos possibles.

Désormais nôtre pour au moins cinq ans, le bâtiment est devenu une Zone à Inventer ensemble, où travailler sur nos objectifs individuels, concrétiser nos utopies plurielles et construire un espace de liberté et d’expérimentation collective.

En quête de toujours plus d’autonomie et d’horizontalité. En marge des circuits traditionnels de la culture dominante et de ses asservissements. En marche vers d’autres modes de faire et de voir.

En quête

En tant que projet, Zonneklopper s’inscrit dans un monde largement soumis à l’idéologie marchande et à ses logiques de dominations du vivant, qu’elles soient de genre ou de classe, dont les violences nous traversent et nous façonnent. C’est à ce rapport au monde que le collectif et ses membres s’opposent et de celui-ci qu’ils cherchent sans cesse à s’écarter grâce à leurs déconstructions systématiques, grâce à des pratiques d’autonomie et d’autogestion, grâce une gouvernance horizontale qui requiert la responsabilité de chacune et de chacun, l’écoute de toutes et de tous face au projet dans son ensemble, grâce à la mise en commun de nos besoins, de nos pratiques et de nos connaissances, et à l’intelligence collective qui en résulte.

Entre espace privé, hébergement des plus précaires, habitation et atelier d’une part, espace public, lieu de festivités, de rencontres, d’apprentissages, d’entraides et d’échanges d’autre part, Zonneklopper s’envisage comme un espace politique au sens étymologique du terme, un lieu d’expression interculturelle et de critique sociale, de recherches et d’expérimentations individuelles et collectives, où toutes les cohabitations peuvent s’expérimenter pour autant qu’elles se tournent vers l’horizon du projet.

De l’individu au collectif

Reposant en grande partie sur l’implication de ses membres et sur l’acquisition et la circulation des savoirs entre eux, le partage des responsabilités ainsi qu’un minimum de participation active de toutes et tous aux différents aspects de la vie des lieux, Zonneklopper permet que différents degrés d’implication soient toujours possibles en son sein. L’interchangeabilité des positions, la polyvalence ainsi que la décentralisation sont essentiels à cette pratique de gouvernance horizontale basée sur l’écoute des besoins et des désirs de chacune et de chacun.

Les membres sont invité.e.s à s’informer des processus en cours, des modes de gestion et d’organisation mis en place, à participer régulièrement aux réunions, à lire les documents communs. Chacune et chacun est légitime à prendre part aux enjeux et activités collectives à partir du temps d’observation, d’écoute, et d’immersion dans le projet qui lui semblera le plus juste.

Le recours régulier à l’autoévaluation et les principes de la communication non-violente nous permettront de penser régulièrement nos fonctionnements, d’en mesurer l’éthique et l’efficacité, de nous réorganiser et de dialoguer ensemble.

Ici et maintenant

Ancrée dans un territoire et construite par milles parcours, la vie du collectif dans son ensemble ne peut se dissocier de son milieu ou se superposer à lui. C’est avec attention et collectivement que nous voulons inventer des manières de mieux vivre ensemble. Ni les voisines et voisins, ni le public qui pourront nous rejoindre ne sont des entités abstraites et dépersonnalisées à qui nous offrons un service, un produit ou un voisinage plus ou moins bienvenu. Elles et ils sont aussi cocréatrices et cocréateurs de la vie du collectif, avec leurs désirs et leurs besoins.

Faisant le pari de la mixité et du partage et fédérant des ressources de toutes natures, Zonneklopper cherche à tisser des liens entre les publics les plus différents. Rencontres improbables et entraide sont les maître-mots de cette nouvelle manière d’envisager la complexité de ce qui fait société. Ainsi une partie de l’activité de Zonneklopper entend se construire par ou en lien avec des personnes et collectivités concernées, sans toutefois se subordonner aux pouvoirs publics et institutionnels. Nous entendons favoriser l’accès à nos pratiques aux groupes sociaux qui en sont coupés, qu’il s’agisse de minorités culturelles ou de cultures minoritaires. Nous souhaitons renforcer les liens de solidarité, participer à la vie collective qui nous préexiste et nous environne, nous enrichir toujours d’autres regards et d’autres pratiques.

Mais le projet que nous portons résonne bien au-delà de notre quartier. Ailleurs ou plus loin, il s’agit pour nous de faire écho à d’autres expériences, dont les approches sont similaires, et d’entrer avec elles en réseau pour dialoguer, coopérer, palier à nos limites, nous nourrir ou nous réinventer.

Autonomes ?

Zonneklopper ne recherche pas le profit et ne se soumet en aucune façon au contrôle direct ou indirect de sociétés d’intérêts économiques ou commerciaux. Elle ne se subordonne, de même, à aucun parti politique, syndicat, mandataire public. Dans cet esprit, l’association n’a jamais recours à la publicité et au marketing comme source de financement, que ce soit dans ses publications, ses activités, ses programmations ou sur place. Elle n’agit pas comme un prestataire de service. Les prestations qu’elle effectue pour des demandes extérieures doivent être en adéquation avec l’objet de la charte. L’obtention de subsides publics ne doit ni conditionner ni modifier la démarche, le contenu, l’horizon égalitaire ou encore le mode de fonctionnement de Zonneklopper, tels que ses membres les ont adoptés. L’association tente aussi de ne se laisser enfermer dans aucun « secteur » d’activités, par aucune étiquette restrictive, ni par un cahier des charges trop spécifique qui la placerait dans une logique qu’elle n’a pas volontairement choisie.

Mais il s’agit de trouver les ressources et les moyens de pratiquer une politique d’accessibilité, en organisant de nombreuses activités gratuites et en veillant à maintenir au plus bas le tarif des activités payantes organisés ou par le collectif dans son ensemble ou par ses membres. Comment subvenir à nos besoins ? En privilégiant la récupération, la mise en commun des moyens, la participation aux frais, des kermesses, l’écologie sociale et environnementale, en mutualisant nos ressources, en évitant le gaspillage, en nous méfiant de toute forme de surconsommation, etc. Contre toutes formes de prédations, à partir de nos colères et de nos refus, de nos désirs et de nos pratiques qui nous enrichissent et nous consolident plutôt qu’à partir d’un vague sens du devoir moralisateur ou culpabilisateur.

En somme

Contre la marchandisation du vivant, tous les systèmes de domination et leurs formes de discrimination ou d’agression, nous voulons construire un lieu d’expérimentation collective où chacune et chacun pourra négocier sa place, où nous pourrons nourrir nos luttes à partir de nos pratiques et de nos rencontres, où pourront se jouer les essais, prises de risques, échecs, réussites, au croisement des échanges de nos savoirs et de nos savoirs-faire.

Un lieu de culture, si tant est que la culture n’est pas l’accessoire divertissant de nos sociétés fatiguées d’elles-mêmes mais bien plutôt ce qui la constitue, à partir d’histoires, de pratiques, de représentations et de modèles communs. Alors Zonneklopper expérimente ainsi d’autres manières de faire culture et donc société, aujourd’hui et maintenant, là où elle est située, avec celles et ceux qui l’entourent, la parcourent et l’habitent.